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Les USA (n’)ont (pas) le droit d’espionner les Américains

Les services de renseignement français ont le « droit » d’espionner l’ensemble des Français : rien ne l’interdit. Aux Etats-Unis, c’est formellement interdit : le 4e amendement [1] de la Constitution américaine protège précisément les Américains de toute intrusion du gouvernement dans leur vie privée.

A contrario, en France, le placement sous surveillance d’un quidam par un particulier ou une entreprise est sévèrement réglementé [2] (en matière de collecte, finalité, conservation, sécurité, confidentialité, information & déclaration) : il faut l’en informer au préalable, et lui assurer des droits [3] d’accès, de rectification et d’opposition.

Aux Etats-Unis, bien plus « libéraux« , rien n’interdit à une société privée de surveiller les Américains (et autres), ce qui fait que les forces de l’ordre US n’hésitent pas à sous-traiter [4] à des prestataires privés l’interconnexion des fichiers qu’elles ne sont pas autorisées à effectuer.

En résumé, en France, les représentants de l’Etat ont (de plus en plus [5]) le droit de vous fliquer, le fichage par les sociétés privées étant, lui, plus sévèrement encadré. Aux Etats-Unis, c’est l’inverse, ou presque : les autorités y gagnent en effet elles aussi de plus en plus le droit de surveiller les citoyens états-uniens [6]. Soit directement en ciblant [7], par exemple, des ONG ou personnalités qui déplaisent à la Maison Blanche, soit, indirectement, en demandant, entre autres, aux moteurs de recherche l’enregistrement [8] de toutes les requêtes effectuées sur une semaine.

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A priori, c’est pourtant illégal, mais non : Secrecy News [10], le département de la Federation of American Scientists [11] qui veille au grain en matière d’informations de services de renseignement US, vient de soulever une interprétation fort opportuniste du vocabulaire ango-saxon :

« interception » is not considered « collection » [12] (l’interception ne relève pas de l’analyse, en VF, et si je puis me permettre).

Le ministère de la défense US (DoD [13]) considère en effet que les données recueillies par le biais de procédures électroniques et automatisées de surveillance (des e-mails, appels téléphoniques & Cie) ne constitueraient pas d’atteintes à la vie privée parce qu’elles n’ont pas été collectées directement, ne sont pas « intelligibles » en l’état, et n’ont pas été traitées par un employé du DoD.

Tout est bon dans l’Echelon

Autrement dit : si d’aventure un Américain apparaissait dans les filtres « antiterroristes » des services de renseignement US du fait de leur surveillance généralisée des télécommunications (voir, entre autres, Guerre de l’information made in France [14]), cela n’irait nullement à l’encontre du 4e amendement, puisque cela signifierait qu’il oeuvrerait potentiellement au service de puissances ou groupes ennemis… qui font, précisément, et légalement, l’objet de toutes les attentions des appareils US de renseignement.

Une autre argutie [15] juridique permet aux militaires US d’espionner leurs concitoyens, en toute légalité : « les services de renseignement peuvent recevoir des informations de quiconque, n’importe quand » (« MI [military intelligence] may receive information from anyone, anytime« ). C’est ainsi qu’on vit, par exemple, Margaret Thatcher demander [16] aux services de renseignement canadiens d’espionner deux de ses ministres, ce qu’elle ne pouvait bien évidemment pas demander au contre-espionnage britannique.

En France, nul besoin de demander à un pays tiers de placer sous surveillance tels ou tels types de Français. Sans même parler de l’affaire des écoutes de l’Elysée, la DST et les RG ont ainsi récemment été invités [17] à le faire au moment des « émeutes de banlieue », mais aussi suite à la labellisation, l’an passé, des 67 pôles de compétitivité.

Labellisation qui sert également de test en grandeur nature à la DPSD (le contre-espionnage militaire) en vue d' »améliorer le niveau de sécurité des forces et du patrimoine industriel et économique lié à la défense« . Ce qui fera d’ailleurs l’objet d’un prochain billet.

D’ici là sourions, mais gare à Frenchelon [18].