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La « cyber-guerre » : des blogs entre dépit et colère (la VO, avec les liens)

Il y a quelques semaines, je signais une revue de web sur le site web du Monde : Libanais et Israéliens dialoguent sur le Web [1] (qui a depuis été traduit en anglais [2], espagnol [3], italien [4], portugais [5] et polonais [6]).

Une suite, revue et corrigée, a par la suite été publiée dans Le Monde 2. La séquence International du quotidien (papier) m’a demandé de mettre à jour, et prolonger, le sujet. Malheureusement, la version en ligne (La « cyber-guerre » : des blogs entre dépit et colère [7]) ne reprend aucun des liens que j’avais compilé, ce qui semble en avoir dépité quelques-uns, dont Gilles Klein [8] (à qui j’ai d’ailleurs répondu [9]).

Voici donc la version originale de l’article en question, avec ses (nombreux) liens, et les passages qui, faute de place, ont été « coupés au montage » :

Sergent dans l’armée israélienne, Andrei Brudner,18 ans, a été tué la semaine dernière au Liban. Dans son dernier billet [10], publié il y a deux semaines sur son blog [11], il prévenait ses lecteurs qu’il était envoyé au front : « vous entendrez peut-être parler de moi dans les médias, ça ne durera pas longtemps, mais nous avons suffisamment de munitions pour que cela dure longtemps. Souhaitez-moi bonne chance ». Si plusieurs soldats-blogueurs américains sont déjà morts au combat, en Irak ou en Afghanistan, c’est le premier du conflit opposant Israël au Hezbollah.

Par-delà les bombardements, la guerre se propage aussi sur l’internet. Plusieurs milliers de sites web ont été « piratés [12] » par les opposants (musulmans ou non) à l’intervention de Tsahal qui, en retour, a elle-même effacé [13] un certain nombre sites pro-Hezbollah. L’armée israélienne, considérée comme l’une des plus « high tech » qui soit, multiplie d’ailleurs les actions de « cyber-guerre ». Alors qu’elle chercherait à brouiller [14] l’accès à l’internet du Liban, elle a aussi envoyé des SMS et des messages [15] sur les répondeurs téléphoniques de nombreux Libanais afin de les inviter à quitter le sud du pays, et a, par trois fois au moins, réussi à pirater al-Manar, la chaîne télé du Hezbollah, ainsi que plusieurs radios [16] libanaises.

Giyus.org [17]Le Liban n’est pas le seul visé par ce type de guerre psychologique. L’union mondiale des étudiants juifs, soutenue par plusieurs organisations sionistes, dont le congrès mondial juif, vient ainsi de lancer « Mégaphone [17] », un logiciel qui permet d’alerter ceux qui soutiennent l’action du gouvernement israélien des articles de presse et sondages en ligne susceptibles d’influencer l’opinion publique internationale et qu’il convient d’aller commenter, voire rectifier. Signe de l’importance du projet, c’est par un e-mail [18] signé Amir Gissin, responsable des relations publiques du ministère des affaires étrangères israélien, que le projet a été rendu public. L’internet y est présenté comme le « nouveau théâtre d’opérations d’Israël ». Contacté par Le Monde, le ministère n’a pas donné suite à nos questions, mais Amir Gissin, interrogé par le Times [19], reconnaît que « notre problème, c’est que les médias étrangers montrent la souffrance des Libanais, pas celle des Israéliens ».

Alors que la responsable de la censure [20] de Tsahal rappelait [21] récemment qu’elle pouvait  « pratiquement tout faire, faire fermer un quotidien ou une station de radio et emprisonner des gens », un soldat de Tsahal explique [22] pour sa part sur le site des Lebanese Bloggers qu’il a besoin des blogs libanais pour se tenir informé de ce qui se passe réellement au Liban. Une bonne partie des blogs israéliens n’en dénoncent pas moins la couverture médiatique internationale du conflit : nombreux sont ceux pour qui CNN serait ainsi un « communist news network [23] » à la solde du Hezbollah. Leurs cibles privilégiées : les images, largement reprises dans les médias, des enfants morts à Cana, qui auraient été instrumentalisées [24] par le Hezbollah, ou encore le fait que Reuters ait retouché (pour rajouter de la fumée) l’une de ses photographies des bombardements de Beyrouth, ce que l’agence vient de reconnaître [25].

Les blogueurs libanais, eux, reprennent beaucoup ces temps-ci un photomontage [26] du New York Times montrant les images satellites, avant et après les bombardements, du quartier de Beyrouth, aujourd’hui ravagé, où se trouvait le QG du Hezbollah. Tous, bien évidemment, dénoncent l’action de Tsahal, les pertes civiles et les conséquences, de plus en plus lourdes, du blocus et de la destruction des infrastructures du Liban. Partagés entre la colère et le dépit, ils sont nombreux, à l’instar du Lebanese Political Journal [27], l’un des blogs libanais les plus consultés, à tenter d’expliquer l’histoire [28], compliquée, de leur pays aux nombreux internautes venus du monde entier.

Son principal contributeur, un journaliste qui garde l’anonymat de peur que ses contacts avec des Israéliens notamment ne puissent lui nuire, comprend [29] ainsi pourquoi, face à l’impuissance de leur gouvernement et de la communauté internationale, le Hezbollah représente le seul espoir de nombreux Libanais. Il n’en fait pas moins partie de ceux qui, tout en fustigeant les frappes de Tsahal, dénonce également l’organisation chiite, et croit en la paix avec Israël. Une position de plus en plus difficile à tenir. Ami Ben-Basset, qui fait partie de ces blogueurs israéliens qui tentent de garder le fil de la conversation avec les Libanais, rapporte [30] ainsi ces propos d’un intellectuel beyrouthin : « si je critique le Hezbollah, je serai considéré comme un traître, mais que si je critique Israël, je serai traité comme un sympathisant du terrorisme »

Mazen Kerbaj [31]Alors que les médias privilégient généralement la voix des victimes et des responsables des bombardements, ce qui marque le plus, du côté des blogueurs du Liban, c’est qu’on y entend la voix de ceux qui se contentent, si l’on peut dire, de la voir passer, impuissants. Ainsi de ce poignant échange d’e-mails entre les rédacteurs en chef des éditions de Tel Aviv et de Beyrouth du magazine culturel Time Out, rapporté [32] par Lisa Goldman, une journaliste et blogueuse basée à Tel Aviv qui utilise l’internet pour rester en relation avec les Libanais, qu’elle considère comme des « voisins ». Ou encore de ces dessins de Mazen Kerbaj [33], artiste et organisateur du festival de musique improvisée de Beyrouth, qui s’est décidé à ouvrir son blog [34] afin d’y dessiner la guerre, au jour le jour, sur le modèle de ce qu’avait déjà fait sa mère, Laure Ghorayeb, de 1975 à 1990, au temps de la guerre civile au Liban. A sa demande, Mazen lui a aussi ouvert son propre blog [35] : elle a recommencé à dessiner.