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Sur internet, personne ne sait que vous êtes un poulet

Sur Internet, personne ne sait que vous êtes un chien [1]Au commencement du web, les premiers internautes se plaisaient à penser [2] que « sur Internet, personne ne sait que vous êtes un chien » .

Et puis l’on s’est aperçu que l’anonymat n’existe pas [3], que les gouvernements se mettaient de plus en plus à surveiller le Net, un peu [4], beaucoup [5], passionnément [6], à la folie [7], pas du tout [8].

Le Projet de loi relatif à la prévention de la délinquance [9], dont la discussion au Sénat débute ce 13 septembre 2006, propose quant à lui d’autoriser les policiers à « participer sous un nom d’emprunt aux échanges électroniques« .

Objectif de ces « infiltrations » : « rassembler les preuves et rechercher les auteurs » des infractions décrites dans les articles 227-18 à 227-24 [10] du code pénal, et que l’on peut résumer comme suit :

. corruption de mineurs
. enregistrement ou diffusion d’images pornographiques de mineurs
. provocation de mineurs à l’usage ou au trafic de stupéfiants, à la consommation habituelle et excessive d’alcool
. provocation de mineurs à commettre un crime ou un délit.

Faut-il tout dire aux enfants ?

Comme le note [11] Benoît Tabaka, cette idée émane [12] en fait d’une recommandation du Forum des Droits de l’Internet et visait initialement à combattre la pédo-pornographie et la pédophilie sur l’internet.

la police est présente sur l'internet [13]Le cas s’était déjà produit avec le fichage génétique [14] : créé pour lutter contre les pédophiles récidivistes, il a été étendu à pas moins de 137 délits [15], et permet aujourd’hui de ficher (jusque pendant 40 ans) non seulement ceux qui -mineurs ou non- sont reconnus coupables, mais aussi les simples suspects, ainsi que ceux qui sont relaxés en procès…

L' »infiltration [16] » de policiers, qui avait initialement été autorisée pour combattre la criminalité organisée –casseurs [17] compris [18]-, place aujourd’hui côte à côte, et en matière de communications électroniques, pédophiles, fumeurs de joints et toute personne suspecte de tout type crime et délit dès lors qu’ils impliquent un mineur… y compris les actes de désobéissance civile [19], les échanges -de techniques de contournement- de fichiers « protégés [20]« , ou le fait de parler du chanvre [21] ?

Je sais que Sarkozy ne « traite » pas les policiers comme des chiens, mais nous (internautes, netizens) si, un peu, quand même, car grâce à lui, si le projet passe en l’état, personne ne saura s’il « traite » sur l’internet avec un poulet, ou pas.

Les enfants seront fichés par leurs maires… et leurs pairs

La Ligue des Droits de l’Homme note [22] pour sa part que c' »est la 6ème loi sécuritaire proposée depuis 2002 modifiant en profondeur notre système législatif » et qu' »il est fort difficile de percevoir l’aspect « prévention » qui figure dans l’intitulé du projet gouvernemental tant les mesures nouvelles sont répressives« .

En vrac et entre autres choses, le projet de loi [23] :
La police est aussi présente dans la rue [24]. organise le fichage des mineurs par leurs maires,
. autorise la comparution immédiate des mineurs,
. autorise les policiers à acheter des produits stupéfiants,
. durcit, pour la 4e fois en 4 ans, l’ordonnance de 1945 sur les mineurs,
. crée un fichier nominatif de patients hospitalisés d’office en psychiatrie,
. font « l’amalgame [25] entre troubles mentaux, dangerosité et délinquance » et instrumentalise [26] la psychiatrie en lui conférant un impératif sécuritaire,
. met à mal la notion de secret professionnel des travailleurs sanitaires, éducatifs et sociaux,
. oblige à l’apposition d’une signalétique [27] sur tout document potentiellement offensant,
. prévoit que les décisions de fermeture des portes seront désormais prises à la majorité simple mais qu’a contrario, les décisions d’ouverture des portes seront prises à la majorité des deux tiers (disposition fourre-tout « très symbolique d’une société où l’on s’enferme hez soi« , pour la LDH),
. crée un « service volontaire citoyen de la police nationale » qualifié de « milice » par la LDH et Gilles Sainati, magistrat membre du Syndicat de la Magistrature.

En conclusion de son analyse [28] du projet de loi, ce dernier écrit que

se mettent en place les structures d’un nouvel Etat qui, au regard de celui qui existait il y a seulement 5 ans en France, peut être qualifié de totalitaire en ce que :
– Il remplace l’accompagnement social par un contrôle tous azimuts des personnes suspectées de déviance,
– Place au rang de l’élite de la nation une police d’ordre public qui embrigade la jeunesse pour la former… à quoi ?
– Transforme la mission éducative en procédés de redressement, notion moderne des camps de ce type
– instaure la peur comme mode de relations entre les citoyens au profit un Etat décentralisé en féodalités liées entre elles… par la révérence à un Leader.
Ce projet sera très probablement amendé par d’honorables parlementaires, qui pourront puiser dans les versions précédentes. Les débats seront instructifs à suivre, juste avant la campagne présidentielle…. Le Leader charismatique et choyé des médias pourra y exercer à hautes doses son populisme de la peur. »