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La France a “reconduit” plus de 190 000 étrangers depuis 1990

Initialement publié [1] en mai 2006, ce billet vient d’être actualisé pour tenir compte du nombre, mis à jour, de « reconduites » à la frontières.

Près de 80.000 personnes ont été déboutées du droit d’asile depuis que Nicolas Sarkozy est entré au ministère de l’Intérieur (+40,5% [2] entre 2004 et 2005, +150% au total). Comme il s’en vantait [3] en mai 2006, « le nombre des reconduites à la frontière exécutées a doublé en trois ans : de 10 000 en 2002 à 20 000 en 2005« . Il flirte désormais avec les 25 000.

Ce record a été rendu « possible par la construction de centres de rétention administrative (968 places en juin 2002, 1 447 places aujourd’hui, 2 500 places en juin 2007) et par l’allongement de la durée de rétention (passée de 12 à 32 jours maximum)« .

A contrario, les méthodes deviennent expéditives : en février dernier, une circulaire expliquait [4] aux préfets comment parvenir concrètement à démultiplier le nombre d’interpellations de sans-papiers, y compris à leur domicile, dans les locaux d’associations, les foyers et centres d’hébergements, dans les véhicules (de pompiers, bus associatifs, ambulances…), et jusque dans les hôpitaux, et même les blocs opératoires… ce qui a d’ailleurs conduit Médecins du Monde a lancer une pétition [5] au motif que « le droit aux soins est inscrit dans le préambule de la constitution française (que) c’est un droit fondamental de la personne humaine (et qu’)il ne doit jamais être utilisé à d’autres fins que la préservation de la santé« .

La circulaire donne même « des recettes destinées à piéger ces étrangers par des convocations d’apparence anodine dans les préfectures« , afin de les y interpeller en leur faisant croire qu »ils sont convoqués pour être régularisés.

Selon Nicolas Sarkozy, qui situe le nombre de sans-papiers dans « une fourchette allant de 200 000 à 400 000 individus« , entre 80 000 et 100 000 étrangers en situation irrégulière s’installeraient en France chaque année.

En 2005, le Ministère de l’intérieur et de l’aménagement du territoire a dénombré 19 848 [6] « mesures d’éloignement » (arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, arrêtés d’expulsion, interdictions judiciaires du territoire). L’objectif fixé [7] par Nicolas Sarkozy était de 23 000. Pour 2006, il est de 25 000 [8]. En mai 2006, je publiais [1] ce tableau :

167 900 expulsions depuis 1990 [6]

Le Monde vient de publier un graphique [9], encore plus parlant, actualisant le nombre de reconduites à la frontière à l’horizon 2007 :

La somme des reconduites à la frontiere [10]

Dans un article intitulé « Sans-papiers : l’autre « chiffre » de la politique d’expulsion [11]« , Damien de Blic, enseignant-chercheur en sciences politiques et membre du RESF Paris 11e, rapporte que l’objectif 2007 serait de 28 000 expulsions :

On peut ainsi raisonnablement estimer que c’est l’équivalent d’au moins 15 000 emplois à temps plein qui est consacré à l’expulsion des sans-papiers. (…)

Si l’on traduit ces emplois sous une forme monétaire, ce sont donc au minimum 3 milliards d’euros qu’auront coûté au total les expulsions réalisées depuis 2003 : l’équivalent du budget annuel du ministère de la culture ou encore deux années de fonctionnement de la ville de Marseille. C’est aussi le déficit de la caisse national d’assurance vieillesse prévu pour 2007. (…) le budget 2007 de la Police national laisse apparaître une nouvelle hausse de 60 % de ce volet budgétaire largement consacré aux frais d’expulsions, à hauteur de 107 millions d’euros. D’après Carine Fouteau des Echos [7] , la prise en compte de la masse salariale fait croître le budget de la lutte contre « l’immigration irrégulière » jusqu’à 687 millions d’euros, soit l’équivalent de plus de 10 000 emplois à temps plein destinés à l’expulsion des sans-papiers. (…)

Le budget 2007 de la Police national laisse apparaître une nouvelle hausse de 60 % de ce volet budgétaire largement consacré aux frais d’expulsions, à hauteur de 107 millions d’euros. D’après Carine Fouteau des Echos, la prise en compte de la masse salariale fait croître le budget de la lutte contre « l’immigration irrégulière » jusqu’à 687 millions d’euros, soit l’équivalent de plus de 10 000 emplois à temps plein destinés à l’expulsion des sans-papiers.

Au total, et depuis 1990, plus de 190 000 personnes ont ainsi été reconduites, réacheminées ou expulsées. Maitre Eolas préfère [12] opter pour le mot « déportation » (« afin d’éviter des redondances administratives (et) sans parallèle douteux avec LA Déportation, bien entendu« ). Dans un billet intitulé Air Chiotte [13], récit d’une expulsion, dans les toilettes d’un avion, d’un débouté du droit d’asile, il faisait part de sa répulsion : « La honte m’a fait baisser les yeux. Et elle me cuit encore« .

Espérons, à l’instar d’Agnès Maillard, que « les flics soient des humains comme les autres » et que « la peur soit en train de changer de camp [14]« .

Voir aussi : Il ne fera pas bon s’aimer entre Français(e)s et étranger(e)s [15]