Après la course au nucléaire, la guerre de l’information

28/11/2005, par jmm
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« Sur le champ de bataille du futur, les forces ennemies seront localisées, traquées et ciblées presque instantanément par l’utilisation de liaisons de transmission, l’évaluation de l’espionnage assisté par ordinateur et le contrôle automatisé des tirs… J’ai confiance en ce que le peuple américain attende que ce pays retire tout l’avantage de ces technologies – reçoive et applaudisse les développements qui remplaceront partout où ce sera possible l’homme par la machine« . Général Westmoreland, 13 juillet 1973, cité dans Guerre de l’Information, Terreur et Subversion Culturelle.

Journaliste, je m’intéresse à l’impact, notamment militaire, des nouvelles technologies sur la société (de l’information); je me suis donc penché sur le programme anglo-saxon Echelon d’interception des télécommunications, et conséquemment sur ce que les services de renseignement français pouvaient faire en la matière.

Jean Guisnel, journaliste au Point, en avait parlé, dès 1995, dans Guerres dans le cyberespace – Services secrets et Internet. C’est ainsi que j’appris que le premier groupe de hackers français avait en fait été créé (en sous-main) par la DST. Ce qui permet peut-être aussi de comprendre pourquoi la France est le seul pays occidental à voir son principal « hackmeeting » organisé dans l’enceinte d’une caserne militaire, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes.

Le fait que les services de renseignement français se soient intéressés, dès le début des années 90, à l’internet en général et aux hackers en particulier, ne fut pas sans éveiller ma curiosité. J’ai depuis découvert l’existence de ce que les militaires appellent la « guerre électronique » -dont je collectionne d’ailleurs les insignes, avis aux amateurs – et qui, pour simplifier, est le bras armé, et la traduction militaire, de la sécurité (mais aussi du piratage) informatique.

Il y a un petit peu plus d’un an, je lançais Guerrelec, une liste de diffusion sur la guerre de l’information en général, et donc les technologies et programmes de type C4ISR (pour « Commandement, Controle, Communications, Informatique, Renseignement, Surveillance et Reconnaissance« , dans le jargon militaire). Parce qu’il n’existait pas de « sources ouvertes » sur la question (voir aussi l’historique (.pdf) qu’en propose Guillaume Arcas), et que le sujet, ce me semble, ne doit pas rester cantonné aux seuls cénacles militaires.

D’autant que l’armée française a, depuis un an, lancé un satellite de renseignement par l’image, quatre autres de renseignement électromagnétique, un autre de télécommunications sécurisées, et inauguré un navire et une nouvelle station d’écoute des télécommunications. Ce qui fait d’elle l’une des nations leaders en matière de guerre de l’information.

Bernard Carayon est à ce titre on ne peut plus explicite : « le secteur des technologies de l’information et de la communication doit constituer une priorité nationale, comme le fut en son temps le nucléaire« . Raison de plus de se pencher sur la question. Je viens ainsi de publier sur InternetActu une synthèse de plus d’un an de veille en la matière, »Guerre de l’information made in France« .

Je doute fort que cette course à l' »espionnage assisté par ordinateur » connaisse des débats aussi passionnés que celle au nucléaire, ne serait-ce que parce que leurs léthalités respectives ne sont pas de même nature. Il n’empêche : quand on connaît l’ampleur de la surveillance des télécommunications du projet Echelon (entre autres), et des contrats industriels afférents, quand on voit qu’à terme, l’objectif est de numériser le champ de bataille de sorte que les militaires seront de plus en plus derrière des écrans, confiant à des robots guerriers le soin d’appliquer leurs décisions (au point que « l’intervention humaine dans la décision de faire feu sera peut-être considérée comme une perte de temps« ), il serait peut-être temps de soulever le débat.

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Réf. [ (Cyber)surveillance, (In)sécurité, Guerrelec, InfoGuerre, InternetActu ]
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Une Réponse a “Après la course au nucléaire, la guerre de l’information”

  1. bituur esztreym :

    bel article. domaine effectivement brûlant, à l’heure actuelle, où le capitalisme hyperindustriel mondialisé en est à un stade d’épuisement du désir (sa matière première) tout à fait critique. la culture et l’information sont des domaines stratégiques, des avant-postes.. là se déroulent exemplairement les combats. « propriété intellectuelle », maîtrise de l’information, maîtrise des marchés, sociétés et concurrents..

    un peu en digression, mais pas tant, je vous signale un texte précisément symptomatique et significatif du basculement que vous analysez, du stratégique militaire (coonventionnel ou non) au stratégique informationnel. titre : « Constant Conflict  » ; écrit par un certain major Peters, officier de l’U.S. Army, en charge, à l’Office of the Deputy Chief of Staff for Intelligence, de la prospective sur les guerres futures (future warfare) [Constant Confilct fut publié dans Parameters, la revue doctrinale de l’U.S. Army.

    son texte est là, introduit et commenté au regard de l’actualité par Ph. Grasset, rédacteur de dedefensa : http://www.dedefensa.org/article.php?art_id=662
    (dedefensa.org le ressort, à propos de ça : http://www.dedefensa.org/article.php?art_id=2283 )

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