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« La nouvelle famille, c’est pas d’être né d’une partouze »

Le dernier communiqué [1] des Yes Men me laisse pantois. Alors que le film qui leur est consacré est sorti en salles ce 1er avril, et qu’il bénéficie d’une presse [2] plutôt élogieuse, la justice française se met à son tour à leur chercher des poux.

Petit retour en arrière : ce collectif d’hacktivistes [3] adeptes de la « rectification d’identité » aime à se faire passer « pour certains des plus puissants criminels de la planète afin de montrer leur vrai visage » (en l’occurence, l’OMC, Georges W. Bush, Dow Chemicals, etc.).

En décembre 2002, Christian Jacob, alors « ministre délégué à la Famille, auprès du ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées« , et opposé au Pacs et à l’adoption d’enfants par les homosexuels, aurait pour sa part déclaré, selon Libé [4] : « On ne va pas se laisser emmener sur trois trucs d’intellos gauchos. La nouvelle famille, c’est pas d’être né d’une partouze, comme j’ai entendu à la télé« .

Les Yes Men faisait alors parvenir à Têtu, « magazine [5] des gays et des lesbiennes« , un faux communiqué de presse [6] avançant que Christian Jacob n’avait rien contre les homosexuels, qu’il en fréquentait beaucoup et qu’il se sentait proche de cette « population bigarrée« . Le canular, innocemment republié sur le site de Têtu, était démenti 4 heures plus tard par le cabinet du ministre, et rectifié derechef par Têtu.

Ce qui n’a pas empêché huit ordinateurs de Têtu d’être saisis, et deux de ses employés d’être mis en examen, en janvier 2004, pour « injures publiques envers un membre du gouvernement« , le juge estimant que Têtu aurait employé des « expressions suggérant que le ministre délégué à la Famille ne jouit pas de l’intelligence que l’on pourrait attendre du titulaire d’une telle fonction« .

Dans un communiqué [7] de protestation, Reporters Sans Frontières rappelait opportunément qu' »au moment où la France vient de supprimer le délit d’offense à chef d’Etat étranger, l’une des dispositions les plus archaïques de la loi sur la presse, l’accusation d’injure publique envers un membre du gouvernement apparaît totalement absurde et anachronique« ,

La semaine dernière, deux ans et demi après le canular, la Découverte, éditeur du livre [8] des Yes Men (sorti récemment, en même temps que leur film [9]) a reçu une lettre [10] de la police, leur demandant de révéler les coordonnées bancaires ainsi que l’identité des Yes Men, accusés eux aussi d' »injures publiques envers un membre du gouvernement« .

Petite précision qui n’a rien à voir, ou presque : Chritian Jacob, dans une vie antérieure, était agriculteur-éleveur de profession, spécialisé dans le Brie de Meaux [11] : d’un point de vue oulipien [12], je trouve délicieusement déplacé le fait, de la part d’un « ministre [13] des Petites et Moyennes Entreprises, au Commerce, à l’Artisanat, aux Professions libérales et à la Consommation, auprès du ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie« , de faire ainsi dans le bris de mot [14], sous couvert d’attenter à la liberté d’expression.