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Le Racaillotrou, générateur automatique de non-appels à l’émeute

Internautes, l' »état d’urgence« , récemment décrété en France, vous gêne aux entournures ? Gaffe : la DST surveille le Net à la recherche de ceux qui en appellent à (et donc parlent de) l' »émeute« . Voire : le Racaillotrou [1] vous invite pour sa part à vous servir des « grandes oreilles » des condés afin de vous faire entendre du gouvernement. Exemple :

Appel aux peuples des banlieues, unissez-vous : rendez-vous a République pour, non pas semer la zone ni tout casser (pistolets a grenaille exclus), mais pour dire a Chirac qu’on en a marre de se faire mettre plein la gueule, et de s’entendre dire d’aller voter au bled.
Signé : un gauchiste bougnoule karcherisé.

Explication : il y a quelques jours, l’AFP nous apprenait [2] que,

Mobiles, les membres de certaines bandes communiquent par portables, ce qui pousse un inspecteur des Renseignements généraux à plaider pour une exploitation accrue de la surveillance des échanges téléphoniques.

Outre l’envie d’en découdre et la « cristallisation » de leur hostilité autour de Nicolas Sarkozy selon un policier, les auteurs de violences sont motivés par l’émulation qui emprunte trois canaux, explique un autre officier: « La recherche de médiatisation, la compétition avec la bande voisine et les weblogs ».

Pour surveiller ces sites internet, les moyens informatiques de la Direction de surveillance du territoire (DST) devraient d’ailleurs être exploités.

Ce qui a permis à l’Office central pour la lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), selon Silicon.fr [3], d’interpeller trois jeunes skyblogueurs, inculpés de « provocation à une dégradation volontaire dangereuse pour les personnes par le biais d’internet« , du genre : « L’Ile-de-France, unissez-vous, faites cramer tous les keufs. Allez au commissariat de votre ville et cramez-le« . Quelle que soit la bêtise, ou la violence, de tels propos, on peut tout de même s’interroger quant à la pertinence de lancer les services antiterroristes, et de contre-espionnage, à la traque de jeunes en colère.

Dans un article [4] intitulé « E-mails et SMS mettent Paris en état d’urgence« , Libé avance pour sa part que

Le préfet de police de Paris Pierre Mutz a décidé ce 11 novembre à 17h «d’interdire, à Paris, du samedi 12 novembre à 10h00 au dimanche 13 novembre à 8h00, toute réunion de personnes de nature à provoquer ou entretenir le désordre sur la voie et dans les lieux publics, conformément à l’article 8 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence» (…) au vu des risques de «descentes» de jeunes de banlieues à Paris samedi, et la multiplication des SMS et e-mails en ce sens interceptés par les services de renseignements.

Les services de contre-espionnage surveillent donc bel et bien nos SMS, blogs et e-mails : sur quelle base légale ? A quelles fins ? Que feront-ils des données collectées ? Pourra-t-on y avoir accès ? Qui censurera quoi, et sur quels fondements ? Qui sera fiché, et pourquoi ?

A la manière de l’Insultron [5], générateur automatique d’insultes, et du générateur automatique de mails subversifs [6] lancés pour brouiller les « Grandes oreilles » du programme Echelon [7] de surveillance des télécommunications, j’ai bidouillé le Racaillotrou [1], un générateur automatique de non-appels à l’émeute.

En insérant de tels appels dans nos blogs, e-mails, SMS et sites web, vous contribuerez d’autant à dénoncer le fichage généralisé de la population.

Accessoirement, Daniel Schneidermann publiait [8] récemment un Rebonds dans Libé intitulé : « Un couvre-feu pour les médias ? » :

Etat de crise, état d’urgence, peu importent les mots : déjà, dans la gestion de l’information audiovisuelle comme dans celle de l’ordre public, les têtes pensent en termes d’exception. Pour l’écrasante majorité des journalistes d’aujourd’hui, c’est une découverte. Lisons-la en détail, la fameuse loi de 1955 : «Prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales.» Censure, saisies de journaux, descentes de police au marbre : comme elles paraissaient jaunies, toutes ces images liées à l’impuissance de la quatrième République devant la guerre d’Algérie. Les voilà donc qui resurgissent. Mais à l’époque des blogs, des paraboles et des téléphones portables.

Je ne sais donc ce que cet « état d’urgence » pourrait entraîner en termes de censure de sites. Je n’appelle bien évidemment pas à l’émeute, juste à dénoncer, en quelques clics, cet état d’exception, ramener le calme sur le Net, et profiter des « grandes oreilles » des « services » français pour faire passer des messages de paix.