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Quand les USA guerroie, la France contrôle les médias

Deux députés viennent de dénoncer, dans un rapport d’information [1] parlementaire, les méthodes inacceptables « faisant le jeu des terroristes« , limites « fascites« , et empêchant les journalistes d' »accomplir leur métier« , du gouvernement… français. Ce qui a valu, en tout et pour tout, une dépêche [2] AFP, un article [3] dans le Monde et une brève [4] dans Libé.

« Avec 76 journalistes et collaborateurs de médias tués en Irak (86, selon RSF [5], NDLR) et deux disparus depuis le début de la guerre en mars 2003, ce conflit s’est révélé comme le plus meurtrier pour les journalistes depuis la guerre au Vietnam« . Par ailleurs, « depuis 1990, neuf journalistes français ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions« , et « dix-huit journalistes français ont pour leur part été retenus en otage depuis le début des années quatre-vingt« .

Pierre Lellouche [6] (UMP, et sarkozyste) et François Loncle [7] (PS, et journaliste) se sont ainsi penchés « sur le statut des journalistes et correspondants de guerre en cas de conflit« , avec pour objectif de « concilier le principe de la liberté de l’information, qui doit s’appliquer en toutes circonstances, y compris en cas de conflit, et le droit des journalistes à la sécurité« . Ben c’est pas gagné :

Si cette conciliation est par nature difficile à réaliser, les membres de la Mission estiment qu’il est essentiel que chacun y contribue, à commencer par les responsables politiques des grandes démocraties. Ils condamnent très vivement toutes les pressions politiques exercées sur des journalistes ou des dirigeants d’organes de presse afin de restreindre leur liberté d’informer. Comment pourrait-on espérer améliorer le sort des journalistes travaillant dans des pays déchirés par la guerre si, au sein même de démocraties en paix, la liberté d’expression n’est pas très scrupuleusement respectée ? Appeler les journalistes à la prudence, leur conseiller de ne pas couvrir les élections irakiennes ou de ne pas publier des caricatures, n’est-ce pas faire le jeu des terroristes de tout bord ? Cela ne revient-il pas à encourager les fatwas, les attaques d’ambassades, ou les boycotts, motivés avant tout par la haine de la démocratie et de toutes les libertés ?

Notre pays n’a évidemment pas le monopole de ce type d’initiatives intempestives et l’emprisonnement, en juillet dernier, d’une journaliste américaine ayant refusé de révéler une source montre clairement que la plupart des démocraties ne respectent qu’imparfaitement la liberté d’expression et le droit d’informer, mais on peut attendre de la France, patrie des droits de l’Homme, qu’elle se montre exemplaire.

Voire : dans un chapitre intitulé Les choix parfois très contestables des autorités françaises [8], les deux députés avancent en effet que la censure ne serait pas l’apanage des seuls pays en guerre, non plus que des seules autorités américaines :

La situation qui a prévalu lors de la détention de Florence Aubenas et qui s’est traduite par une injonction du chef de l’Etat et du Quai d’Orsay aux journalistes de ne pas se rendre en Irak constitue à cet égard un précédent fâcheux et qui a été particulièrement mal ressenti par les journalistes. Les responsables de l’information des grandes chaînes françaises ont indiqué à la Mission que, après en avoir discuté entre eux, ils ont accepté de rappeler leurs correspondants et de ne pas en envoyer de nouveaux, mais l’une des chaînes a continué d’utiliser les services d’un journaliste pigiste resté sur place. Une journaliste indépendante a par ailleurs décrit aux membres de la Mission les méthodes, qu’elle a qualifiées de « fascistes », utilisées par les autorités de notre pays pour la forcer à quitter l’Irak. Après la mise en garde solennelle du chef de l’Etat, à l’occasion de ses vœux à la presse, elle a d’abord subi, début 2005, des pressions émanant de l’ambassade de France en Irak, rapidement suivies par le désintérêt affiché pour son travail de certains journaux auxquels elle collaborait auparavant. Après un séjour en France au printemps, elle est retournée en Irak, où elle a été accueillie par un courrier de l’ambassade lui enjoignant de quitter le pays, au motif qu’elle aurait été « la prochaine sur la liste » des terroristes. Ses derniers employeurs ont alors renoncé à publier ses articles ou exprimé leur inquiétude. Elle a finalement dû quitter l’Irak après que le ministère de l’Intérieur irakien, obéissant selon elle à des instructions prises à la demande de la France, lui a annoncé son expulsion imminente.

En conclusion, Lellouche & Loncle rappellent ainsi que « si l’exécutif est responsable de la protection consulaire de ses ressortissants, il ne doit en aucun cas s’immiscer dans des choix qui relèvent en dernier ressort de chaque rédaction ou de chaque journaliste indépendant. Il n’est en effet pas acceptable que les pouvoirs publics dictent aux médias leurs choix éditoriaux« . Si c’est un très bon ami de Nicolas Sarkozy [9] qui le dit…