Il ne fera pas bon s’aimer entre Français(e)s et étranger(e)s
30/03/2006, par jmm[ Impression | No comment ]
Les droits de l’homme des sans-papiers ont leurs limites, celles de la loi, et de l’arbitraire avec lequel elle est appliquée (ou non). Il suffit pour cela de lire les articles de l’excellent CQFD (« Ce qu’il faut dire, détruire, développer« ) pour s’en convaincre. L’arbitraire y cotoie le mépris, les enfants n’y sont pas des enfants, mais des « sans-papiers » bons à expulser, et les réfugiés politiques des profiteurs de guerre.
Maître Eolas a lui aussi trouvé les mots qu’il faut pour décrire ce que cela signifie, avec cette histoire de L’homme qui n’existait pas, mais qui n’en a pas moins connu les geôles du centre de rétention administrative (CRA) récemment dénoncé (.pdf) par le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe parce que « catastrophique et indigne de la France » au vu de ses « conditions inhumaines, dégradantes (et) inacceptables« .
Cet homme qui n’existait pas est un Lituanien, réfugié en France du temps où la Lituanie faisait partie de l’URSS, et dont aucun pays ne veut depuis que la Lituanie est indépendante. Il a été condamné 16 fois en 10 ans pour « séjour irrégulier« . La dernière fois, le procureur, précise Eolas, « a eu pour conclure ses réquisitions ce mot terrible : « J’espère que cette fois, ce sera suffisant pour nous débarrasser de lui ». Il n’existe pas, mais il encombre« .
La situation pourrait néanmoins empirer.
Comme tous les jours, vous déjeunez avec votre collègue Paola. Elle a été embauchée pour une durée d’un an non renouvelable, selon une procédure prévue par la nouvelle loi. Depuis 2 mois, vous êtes la seule personne à qui elle ose parler du cauchemar quotidien qu’elle vit, en raison du harcèlement sexuel dont elle est victime par son directeur. Vous lui avez dit que des lois existent pour la protéger. Comme elle l’a prévenu qu’elle allait porter plainte s’il n’arrêtait pas, son directeur lui a annoncé, du coup, qu’elle sera licenciée. En fait, Paola pourrait l’attaquer en justice pour harcèlement mais le licenciement met fin à son droit à un titre de séjour depuis la loi de 2006… Elle sera loin avant de voir l’issue du procès, et son employeur le sait. Vous n’aviez pas réalisé que Paola était à ce point sur un siège éjectable, et que sa vie en France ne dépendait que du bon vouloir de ses employeurs…
Et ce n’est que l’une des quatre « fictions » (qui ne le seront peut-être bientôt plus) échaffaud(ées) par le collectif contre une immigration jetable, dont j’ai, une fois n’est pas coutume, signé la pétition (et qui organise un rendez-vous musical et protestataire ce dimanche 2 avril).
Parce que le projet de réforme du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) dont il est question « ferait des étrangers en France, réguliers ou irréguliers, une population de seconde zone, privée de droits (…) il ne fera pas bon s’aimer entre Français-e-s et étranger-e-s, vouloir vivre avec sa famille ou avoir des enfants« .
D’autant que ce CESEDA « devrait largement réduire les conditions d’octroi du statut de réfugié, c’est l’ensemble des droits des étrangers qui est en danger (…) En stigmatisant les étrangers, le gouvernement tente de nous opposer les uns aux autres et il brade les libertés fondamentales. »
Il se trouve que j’ai trop d’estime pour le genre humain en général, et les droits de l’homme en particulier, pour accepter que seuls « les étrangers « bien intégrés », bien vus par le maire de leur commune, en bonne entente avec leur conjoint, appréciés par leur patron, disposant d’un bon salaire et d’un grand logement« , puissent être autorisés à me (nous) cotoyer.
D’ailleurs, à ce régime-là, j’aurais moi-même (bien que français breton de souche) du moi aussi être expulsé depuis bien longtemps.
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28th octobre 2006 / 17:25:06
Que puis-je dire aux personnes que je cotoie qui rencontrent de réels problèmes d’intégration et de reconnaissance, quelles solutions s’offrent à elles ?