Paris : 10 000 caméras de vidéosurveillance de moins qu’en 2001 ?
17/08/2005, par jmm[ Impression | 2 réactions ]
En juin 2001, à l’occasion d’une grosse enquête sur la vidéosurveillance, en France, à laquelle j’avais contribué, le magazine Transfert.net avançait qu’
à Paris une évaluation du ministère de l’Intérieur donnait – faute de chiffres précis émanant de la préfecture de police – 2 512 systèmes de vidéosurveillance, soit 30 000 caméras aujourd’hui. « Et peut-être 500 de plus », estime un fonctionnaire.
Dans la « version originale » de l’article (i.e. non réécrite, ni édulcorée, par la rédaction en chef –1), j’avançais pour ma part, et sur la foi d’un article d’Olivia Elkaim paru dans Capital en octobre 2000, que :
la « ville Lumière » est éclairée de… 320 000 caméras (pour un total de 400 000 sur toute la région parisienne) . Encore que les chiffres varient : le Figaro parlait ainsi récemment de… 2512 systèmes de vidéosurveillance, soit 30 000 caméras. Allez savoir : à tout le moins, tout ceci manque clairement de transparence, la préfecture de police de Paris ayant obstinément refusé de répondre à nos questions.
Alors, 30 000, ou 320 000 ? Et comment expliquer cette différence ?
D’une part, il y a l’opacité sciemment entretenue par la préfecture de police de Paris (« un état dans l’état« , dixit l’adjoint à la sécurité de la mairie de Paris).
D’autre part, on peut légitimement douter que des statistiques émanant du Figaro, citant le ministère de l’Intérieur, recensent les caméras installées illégalement . Or, selon Alain Bauer (qui remporta le prix spécial pour l’ensemble de son oeuvre aux Big Brother Awards 2002, et que l’on peut donc difficilement suspecter de droit-de-l’hommisme), les 3/4 des installations de vidéosurveillance étaient alors illégales, car non déclarées… Rien ne dit qu’elles ont depuis été déclarées, par ailleurs.
Se pose ainsi la question des systèmes de vidéosurveillance privés : ne faut-il comptabiliser que les caméras scrutant les lieux publics (hypothèse basse), ou bien aussi celles qui surveillent les lieux privés (bureaux, usines, couloirs, entrepôts, etc. et que la loi -Pasqua- n’oblige pas à déclarer) ?
Enfin, alors que les vendeurs de matériel de vidéosurveillance estimaient, selon le ministère de l’intérieur, cité par Transfert, à un million le nombre de caméras de surveillance vendues sur tout le territoire dans les années 90, il serait plutôt étonnant que seules 30 000 aient été installées à Paris, qui n’aurait donc totalisé que 2% de la vidéosurveillance en France…
Depuis, il y a eu les attentats du 11 septembre 2001, et moult projets de loi sécuritaires. Les attentats de Londres, le mois dernier, ont remis la vidéosurveillance sur le devant de la scène. C’est même la première fois, je crois, que des images issues de caméras de vidéosurveillance font ainsi la Une de la quasi-totalité des médias.
Il faut dire aussi que le Royaume-Uni est le pays le plus vidéosurveillé au monde, et Londres la ville qui dénombre le plus de caméras par habitant (on estime qu’un Londonien moyen y est vidéosurveillé par près de 300 caméras en une seule journée). Ce qui n’a d’ailleurs pas empêché les deux groupes de terroristes de frapper…
Le 28 juillet dernier, Le Figaro titrait « Déjà plus de 20 000 caméras de surveillance dans Paris » :
Au total, en janvier 2004, Paris comptait plus de 20 500 caméras dont une très grosse majorité (18 493) dans des lieux recevant du public (gares, postes, etc.) et 2 070 dans les rues de la capitale. Chaque année, entre 1 500 et 2 000 caméras nouvelles sont installées…
Le 4 août, Le Monde titrait lui aussi qu' »A Paris, plus de 20 000 caméras scrutent lieux publics, rues et commerces » :
La direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) cherche à capter l' »ambiance » dans les rues et à repérer immédiatement d’éventuels incidents grâce aux quelque 330 caméras urbaines disponibles. (…) Pour effectuer des recherches ciblées, les forces de l’ordre se tournent plutôt vers les quelque 20 000 caméras installées dans les lieux ouverts au public à Paris, gares, métro, banques, bijouteries, pharmacies, commerces… Elles peuvent également utiliser les 2 000 à 3 000 caméras installées dans les rues, notamment pour assurer la surveillance des bâtiments publics sensibles (ministères, ambassades, etc.).
Libération, le 5 août dernier, avançait pour sa part qu’
il y a 330 caméras dans les rues de la capitale. Ancienne génération, ou dans des boules pivotantes, en haut des lampadaires ou sur les bâtiments publics. Un chiffre qui devrait être triplé rapidement. «Ce n’est pas complètement suffisant», estime un commissaire. Utilisées pour le trafic, sur les grands axes de circulation, les places où ont lieu des événements. Et pour contrôler ce qui se passe pendant les manifestations. «Il n’y a pas de couverture exhaustive de la ville», reconnaît un responsable policier. «En juxtaposant les porches, avec les vidéos des endroits sensibles (monuments, banques, mais aussi halls d’entreprise ou commerces), on peut avoir une chance de retrouver des images. Mais c’est encore aléatoire.»
Admettons donc que les caméras illégales n’ont toujours pas été déclarées, que les systèmes de vidéosurveillance privés ne soient toujours pas comptabilisés, que Paris représente moins -inflation des caméras aidant- de 2% de la vidéosurveillance en France, admettons donc, foi du Figaro, du Monde et de Libé réunis, qu’il n’y ait plus que 20 000 caméras de vidéosurveillance à Paris.
Il y en avait 30 000 en juin 2001 : où sont passées les 10 000 caméras manquantes ?
D’autant que « chaque année, entre 1 500 et 2 000 caméras nouvelles sont installées« , et que, toujours selon le Figaro, citant un proche de Sarkozy, « le budget sécurité du contrat de plan État-région est passé de 25 millions d’euros pour la période 1997-2001 à 160 millions pour 2002-2007 » en Ile de France. Je ne sais si j’avais surestimé leur nombre en 2001 (2), mais il est pour le moins étonnant, sinon douteux, d’apprendre qu’avec un budget en augmentation de 640%, on dénombrerait aujourd’hui 33% de caméras de vidéosurveillance de moins qu’avant les attentats de 2001, et l’inflation de mesures sécuritaires qui a suivi.
A noter enfin que, toujours selon cet article du Figaro :
Pour ses propres installations de surveillance des lieux publics, la préfecture de police de Paris débourse 15 000 euros pour une caméra, 21 000 euros pour son installation et 20 000 euros pour son fonctionnement annuel. Il faut ajouter 5 800 euros si l’on veut enregistrer et 4 000 euros pour l’entretien. Soit un budget de plus de 60 000 euros par zoom !
60 000 x 330, x 2070, ou…?
Notes :
1
C’est d’ailleurs suite à cette réécriture, à la limite de la censure, que j’ai acheté rewriting.net, avec comme projet de publier les version originales d’articles de presse « rewrités« .
2
Ce qui n’empêche pas l’Huma et le Figaro, de reprendre, tels que, et non réactualisés, ces mêmes chiffres datant de 2001. A noter que l’article du Figaro, co-signé par Jean-Paul Ney, parle de « chiffres recoupés des associations, de la Cnil et des fournisseurs » (sic).
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25th octobre 2005 / 08:44:44
Le kgb en rêvait, nous allons l?expérimenter.
Ou c?est l?époque des baffes ou petit Nicolas a un don. Car pour arriver à en prendre une de la part de la CNIL, il faut au moins avoir une tête à claque ou être vraiment dangereux, vu l?indolence de la fameuse commission nationale…
9th mars 2009 / 15:00:43
meerci