Promotions barbouzes

09/11/2005, par jmm
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La mutation à la DRM (Direction du Renseignement Militaire) du général Poncet n’est pas une première : Pascal Hiblot avait ainsi été muté, et promu, à la DST (Direction de la Surveillance du Territoire). La situation du premier est ainsi résumée par Libé :

On se souvient du sketch de Coluche sur la bavure : «Au bout de trente blâmes, on passe devant un conseil de discipline et on peut être dégradé ! Robert y s’en fout, il est pas gradé.» Gradé, le général Henri Poncet l’est plutôt deux fois qu’une et il n’a reçu hier qu’un «blâme du ministre» pour avoir falsifié des rapports, menti à ses chefs et couvert un homicide volontaire en Côte-d’Ivoire. Il lui en manque sans doute encore vingt-neuf autres pour passer devant un «conseil d’enquête» et courir le risque d’être dégradé… Déjà suspendu, ce général quatre étoiles va quitter son commandement de la région Terre Sud-Ouest et rejoindre sa nouvelle affectation de «chargé de mission» auprès de la Direction du renseignement militaire (DRM). Un placard, certes, mais pas forcément inconfortable.

Pour avoir couvert le meurtre d’un criminel, étouffé par un sac plastique par trois de ses subordonnés, le général Poncet a été « blâmé » par Michèle Alliot-Marie, « la plus lourde sanction du… premier groupe rassemblant les sanctions les moins sévères, les plus sévères étant dans le troisième groupe » du statut général des militaires, comme le précise, à toutes fins utiles, Michel Bavoil, président de l’Association de Défense des Droits des Militaires – ADEFDROMIL. Quelles que soient les raisons (diplomatiques, politiciennes, militaires, médiatiques) ayant motivé son « blâme », force est de constater que le général Poncet a une conception particulière du maintien de l’ordre, et de la paix.

Il avait ainsi dirigé l’opération Amaryllis d’évacuation des étrangers présents au Rwanda au moment du génocide, d’autant plus contestée qu’elle ne permit pas l’évacuation des Rwandais menacés par les massacres, même lorsqu’ils étaient employés par les autorités françaises, alors que furent dans le même temps « évacués » plusieurs dignitaires du régime Habyarimana, alors soutenu par le gouvernement français, et accusés, par la suite, d’avoir fomenté le génocide. Poncet n’en intègre pas moins aujourd’hui l’un des centres névralgiques du renseignement « made in france« .

Le décret du 16 juin 1992 portant création de la DRM précise en effet qu’elle a pour mission d’assister et conseiller le ministre chargé des armées, de satisfaire « les besoins des autorités et organismes du ministère, des commandements opérationnels et des commandements organiques ainsi que ceux des autorités et des organismes gouvernementaux concernés« , et d’élaborer et mettre en oeuvre les orientations en matière de renseignement d’intérêt militaire.

Ca tombe bien : alors qu’on instaure l’état d’urgence, et le couvre-feu, et que d’aucuns évoquaient l’envoi de l’armée dans les banlieues, il se trouve que Poncet avait pour sa part proposé, il y a quelques années, d’exploiter, en cas de troubles dans l’Hexagone, le savoir-faire militaire acquis hors des frontières -en l’occurence au Kosovo- en matière de maintien de l’ordre…

Pascal Hiblot, de son côté, avait été accusé de « violences avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner« pour avoir tué d’une balle dans la nuque le conducteur, beur, d’une voiture volée peu après que la coéquipière du policier ait été tuée, percutée par une autre voiture volée. Il n’en fut pas moins promu, et muté à la DST, chargée quant à elle du contre-espionnage, du contre-terrorisme et de la protection du patrimoine économique et scientifique.

Les journalistes spécialisés dans le renseignement que j’ai pu rencontré, du fait de mes articles sur ces sujets, m’ont tous parlé de ce côté « barbouze« , de cette façon qu’ont les services de renseignement de, non pas seulement chercher à renseigner leurs gouvernements, mais de leur permettre aussi de couvrir leurs manoeuvres et opérations illégales. Les barbouzes, informateurs selon L’Huma, liés -parfois contractuellement- aux services de renseignements dans tous les cas, n’ont pas particulièrement à respecter la loi. En l’espèce, c’est même parce qu’ils l’ont violé qu’ils ont été mutés dans ces « services ».

Les barbouzes ne sont cela dit pas tous, bien évidemment, logés à la même enseigne, et les auteurs de bavures non plus : l’adjoint de Poncet, le général Renaud de Malaussène, est ainsi muté à Lyon, dans un poste administratif : des « sanctions très lourdes« , selon le chef d’Etat Major, qui précise que « ce n’est pas une sanction mince dans les armées (…) Ces sanctions les mettent dans des postes de chargés de mission et non plus de commandement« , et qu' »ils en tireront les conclusions qu’ils veulent« .

Ils ne seront peut-être pas les seuls. D’autant que dans le sketch de Coluche, les blâmés, eux, étaient (au moins) dégradés…

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Réf. [ (In)sécurité, FUD, InfoGuerre ]
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4 Réponses a “Promotions barbouzes”

  1. Jmm :

    En parlant des loups…: Gérard Pardini, le haut fonctionnaire qui avait reconnu avoir aidé l’ex-préfet Bonnet à brûler des paillotes corses, vient d’être nommé par décret du président de la République sous-préfet « hors-cadre ».

    En l’espèce, il prend le poste de responsable de la division intelligence économique et normalisation à l’Institut national des hautes études de sécurité, chargée d' »anticiper les conséquences sur la sécurité des Français des évolutions de la société (…) d’approfondir la connaissance de la réalité tant dans le champ de la délinquance et de la criminalité que dans celui du risque et de la menace (…) de concevoir des outils pratiques d’action pour les services opérationnels (…) de mettre en place un véritable établissement de formation continue, notamment pour les membres du corps préfectoral dont la vocation est interministérielle« .

    Commentaire de Corsica, qui révèle l’info : « Quand un jeune banlieusard enfreint la loi, il est arrêté, condamné et lorsqu’il sort de prison, affublé de son casier judiciaire, il a quelque mal à trouver du travail. Quand un magistrat fait une énorme bourde et laisse pourrir des gens en prison pendant quelques mois, voire quelques années, il n’a guère d’ennuis et poursuit sa carrière, parfois en montant dans la hiérarchie (exemple dans l’affaire Outreau). »

    Le juge Fabrice Burgaud, qui avait instruit le dossier, avait en effet pour sa part été promu à la section antiterroriste du parquet de Paris, promotion assortie d’une prime au mérite de 10% de son salaire annuel, au moment où son «démantèlement d’un réseau pédophile» était cité en exemple. Il a été nommé à l’exécution des peines, un poste nettement moins prestigieux.

  2. Philippe Meunier :

    Bonjour, que pensez vous de ca ?

    http://www.intelligencepost.com/43/2005/11/26/00043_exclusif-intelligence-post-devoile-les-nouveaux-locaux-de-la-supercentrale-dst-rg-dnat.html

  3. jmm :

    pas grand chose pour l’instant, ne sachant encore ce que cela signifiera, notamment en matière d’échanges & transferts d’informations et de technologies, ni comment les services s’en accomoderont; pouquoi ?

  4. john :

    jái recemment rencontré un copain de coluche il suivait en moto on ne lá pas consulté doit’il avoir peur de la dst actuelle peut il porter plainte contre le gv francais priere de repondre dans la presse internationale

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