L’idéologie politique du son des voitures

02/05/2006, par jmm
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Nicolas Frize s’intéresse à notre environnement sonore. En résidence à la Friche Belle de Mai, il était invité par Radio Grenouille le 21 avril dernier. Extrait :

Il y a tout un travail fait sur le son dont on ne se doute pas. Il y a des acousticiens chez Renault, Peugeot, partout, qui travaillent le son des voitures. Et il y a une dimension politique à la chose, l’idéologie se faufile partout : on ne fabrique pas le son d’une voiture que l’on destine à une femme pareillement que celui d’une voiture destinée à une jeune ou à un adulte, particulièrement s’il est argenté.

La façon dont se constitue le son idéologiquement c’est que celui qui achète une voiture chère, lourde, est un souvent un homme de pouvoir, et il a besoin de sentir le pouvoir, et le pouvoir se manifeste par deux choses. D’une part, il doit être coupé du monde, donc il doit être parfaitement isolé dans son habitacle, qu’il n’entende pas son moteur, non plus que la vie autour de lui, et surtout quand il ferme sa portière, il faut qu’il sente qu’il ferme quelque chose de puissant, de lourd, de fort et de cher. Et donc ça fait Prrroosh, très sourd.

Une femme est réputée pour se foutre des objets, pour en être détachée, et ça tombe bien parce que le constructeur a besoin qu’elle abîme sa voiture le plus vite possible en se garant n’importe comment, en fermant sa portière, en ne faisant pas gaffe, en changeant ses trucs n’importe comment, afin qu’elle change rapidement de voiture. Et donc il faut qu’elle ait l’impresion que sa voiture n’est pas importante, il faut que les portières fassent Goiiing, que tout fasse de petits bruits, que ça ait l’air d’être du toc parce que comme ça on va l’aider à s’en foutre, et à dégrader rapidement sa voiture.

Le jeune, il faut qu’il entende le bruit de son moteur, parce qu’il va s’exciter avec, et ce qui l’intéresse c’est sa conduite, et donc il y a une ouverture entre l’habitacle et son moteur et comme ça il va entendre Vraaam Vraaammmmm et il va pouvoir jouir de sa voiture comme ça, tout est complètement calculé.

C’est monstrueux, et on ne peut pas résister à ça sauf à acheter la voiture de l’autre, ou changer de société.

La suite, passionnante, est là.

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6 Réponses a “L’idéologie politique du son des voitures”

  1. ulysse :

    « Une femme est réputée pour se foutre des objets, pour en être détachée, »
    Je crois qu’on ne connait pas les mêmes…
    :p
    Ceci dit, ça fait longtemps que je sais que le marketing est partout, ceux qui en doutent sont sans doute de grands naifs non?

  2. jmm :

    A ce titre, j’avais consacré tout un dossier l’an passé au fait que l’objectif de nombreux publicitaires, aujourd’hui, est de transformer le consommateur en acteur de la publicité (qui coûte moin cher que les différents supports et intermédiaires publicitaires) et qu’accessoirement, « il est possible qu’une partie de la pub’ passe dans l’illégalité”, à force de se fondre, de façon +- indistincte, dans notre environnement.

  3. ulysse :

    Voui je me souvient de ces articles, celui sur l’illégalité m’avait laissé perplexe…
    Je suis plutot antipub (du moins trés anti pub sur le net), mais les chévres c’est pas mon truc, je ne suis pas légionnaire…

  4. Animo :

    Dans les années 60-70, je crois, General Motors commercialisa un modèle de voiture de sport , la « Corvette », véritable cercueil roulant (puissance du V8 disproportionnée par rapport à la stabilité du véhicule). C’est Ralph Nader, une figure de la défense des consommateurs américains, qui après une enquête approfondie, montra que GM avait dépensé un budget immense pour faire en sorte que les portières en se fermant, émettent un bruit qui inconsciemment serait associé à une impression de solidité, de confort et de luxe … Ce budget était en fait supérieur à celui consacré à la sécurité.

  5. fofol :

    La Chevrolet Corvette (qui existe d’ailleurs déjà depuis les années ’50) n’a rien à voir avec la Ford Edsel, à qui tu fais allusion et à qui Ralph Nader a effectivement fait un sort.

  6. Yael Whittman :

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