Le Racaillotrou, générateur automatique de non-appels à l’émeute

12/11/2005, par jmm
[ Impression | 11 réactions ]

Internautes, l' »état d’urgence« , récemment décrété en France, vous gêne aux entournures ? Gaffe : la DST surveille le Net à la recherche de ceux qui en appellent à (et donc parlent de) l' »émeute« . Voire : le Racaillotrou vous invite pour sa part à vous servir des « grandes oreilles » des condés afin de vous faire entendre du gouvernement. Exemple :

Appel aux peuples des banlieues, unissez-vous : rendez-vous a République pour, non pas semer la zone ni tout casser (pistolets a grenaille exclus), mais pour dire a Chirac qu’on en a marre de se faire mettre plein la gueule, et de s’entendre dire d’aller voter au bled.
Signé : un gauchiste bougnoule karcherisé.

Explication : il y a quelques jours, l’AFP nous apprenait que,

Mobiles, les membres de certaines bandes communiquent par portables, ce qui pousse un inspecteur des Renseignements généraux à plaider pour une exploitation accrue de la surveillance des échanges téléphoniques.

Outre l’envie d’en découdre et la « cristallisation » de leur hostilité autour de Nicolas Sarkozy selon un policier, les auteurs de violences sont motivés par l’émulation qui emprunte trois canaux, explique un autre officier: « La recherche de médiatisation, la compétition avec la bande voisine et les weblogs ».

Pour surveiller ces sites internet, les moyens informatiques de la Direction de surveillance du territoire (DST) devraient d’ailleurs être exploités.

Ce qui a permis à l’Office central pour la lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), selon Silicon.fr, d’interpeller trois jeunes skyblogueurs, inculpés de « provocation à une dégradation volontaire dangereuse pour les personnes par le biais d’internet« , du genre : « L’Ile-de-France, unissez-vous, faites cramer tous les keufs. Allez au commissariat de votre ville et cramez-le« . Quelle que soit la bêtise, ou la violence, de tels propos, on peut tout de même s’interroger quant à la pertinence de lancer les services antiterroristes, et de contre-espionnage, à la traque de jeunes en colère.

Dans un article intitulé « E-mails et SMS mettent Paris en état d’urgence« , Libé avance pour sa part que

Le préfet de police de Paris Pierre Mutz a décidé ce 11 novembre à 17h «d’interdire, à Paris, du samedi 12 novembre à 10h00 au dimanche 13 novembre à 8h00, toute réunion de personnes de nature à provoquer ou entretenir le désordre sur la voie et dans les lieux publics, conformément à l’article 8 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence» (…) au vu des risques de «descentes» de jeunes de banlieues à Paris samedi, et la multiplication des SMS et e-mails en ce sens interceptés par les services de renseignements.

Les services de contre-espionnage surveillent donc bel et bien nos SMS, blogs et e-mails : sur quelle base légale ? A quelles fins ? Que feront-ils des données collectées ? Pourra-t-on y avoir accès ? Qui censurera quoi, et sur quels fondements ? Qui sera fiché, et pourquoi ?

A la manière de l’Insultron, générateur automatique d’insultes, et du générateur automatique de mails subversifs lancés pour brouiller les « Grandes oreilles » du programme Echelon de surveillance des télécommunications, j’ai bidouillé le Racaillotrou, un générateur automatique de non-appels à l’émeute.

En insérant de tels appels dans nos blogs, e-mails, SMS et sites web, vous contribuerez d’autant à dénoncer le fichage généralisé de la population.

Accessoirement, Daniel Schneidermann publiait récemment un Rebonds dans Libé intitulé : « Un couvre-feu pour les médias ? » :

Etat de crise, état d’urgence, peu importent les mots : déjà, dans la gestion de l’information audiovisuelle comme dans celle de l’ordre public, les têtes pensent en termes d’exception. Pour l’écrasante majorité des journalistes d’aujourd’hui, c’est une découverte. Lisons-la en détail, la fameuse loi de 1955 : «Prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales.» Censure, saisies de journaux, descentes de police au marbre : comme elles paraissaient jaunies, toutes ces images liées à l’impuissance de la quatrième République devant la guerre d’Algérie. Les voilà donc qui resurgissent. Mais à l’époque des blogs, des paraboles et des téléphones portables.

Je ne sais donc ce que cet « état d’urgence » pourrait entraîner en termes de censure de sites. Je n’appelle bien évidemment pas à l’émeute, juste à dénoncer, en quelques clics, cet état d’exception, ramener le calme sur le Net, et profiter des « grandes oreilles » des « services » français pour faire passer des messages de paix.

Share/Save/Bookmark
Et/ou suivez-moi par RSS (),
sur Twitter, ou via la newsletter :

Réf. [ (Cyber)surveillance, (In)sécurité, FUD, Guerrelec, InfoGuerre ]
Imprimer | Répondre | Me contacter
Feed RSS des commentaires
18 972 views | Permalien | Trackback

11 Réponses a “Le Racaillotrou, générateur automatique de non-appels à l’émeute”

  1. gongoro :

    les destructions dues aux convulsions du petiot Frankenstein
    au rythme du tam tam de la tire lire des assoces
    a fait plus de gravats que la chute de WTC le 9/11
    quand Chaque toquade technique du moment plaide pour un paradis terrestre.
    le portable organise l’économie des séquences nomades
    sous la couverture médiatique
    il n’avait pas été possible d’empécher les émeutes
    sous la couverture médiatique
    il n’est plus possible d’empécher les scènes d’émeute
    au plus fort de la grillade dimanche 6/11
    D voynet sur arte présente son plan de recyclage des ordures

  2. Maître Wong :

    Tres bonne initiative!

  3. Docteur Lau :

    Où est le problème?
    Que les sms , blog, etc.. soient surveillés?
    Ou que des gens qui écrivent des blogs incitant à la violence soient arrêtés?
    Personnellement, que les sms, blog soient lus, que les appels téléphoniques soient enregistrés, ça ne m’étonne pas… (l’inverse, qu’on me dise que c’est pas fliqué, m’étonnerait vraiment)
    Maintenant je vis avec… et puis il faut savoir que vu le nombre de correspondance qui s’échange par jours… il n’y a qu’un ordinateur équipé de parseur qui peut les lire… Du coup comme les jeunes utilisent un langage codé qu’ils sont seuls à comprendre, ça laisse relativement d’espace.
    Quand on n’a rien à se reprocher non plus, on n’a pas à être inquiété.
    Néanmoins, que ça choque ou pas, ce n’est pas nous qui feront changé ça et ce n’est pas la vieille classe politique présente depuis 30 ans, accrochée au pouvoir qui feront changé ça.

    Ce qu’il faut c’est nettoyer au karsher cette classe politique afin de mettre du sang jeune et neuf… avec des idées nouvelles et l’avenir du pays en tête.
    Bref, tant qu’on aura ces bandes de débiles corrompus qui luttent pour le pouvoir, rien ne changera.

    Appel a tous les jeunes qu’ont la haine, unissez-vous : rendez-vous a l’Arc-de-Triomphe pour, non pas foutre la merde ni manifester (cocktails molotov exclus), mais pour dire a Villepin qu’on en a marre de se faire bruler la cervelle, et de s’entendre dire d’aller se faire mettre.
    Un écologiste non djihadiste bac + 5

  4. jmm :

    Le problème, c’est qu’on ne sait pas ce que sont ces « moyens informatiques de la DST », ce qu’ils enregistrent et mettent en fiche, ce que deviennent les données, comment elles sont traitées. Si quelqu’un a une idée…

  5. jmm :

    Voir aussi Modul DAWA spécial émeutes

    #
    Julien d’Abrigeon

    Au feu. Au feu rouge, à droite. au feu, à droite. Au feu rouge, droite, prendre à droite au feu, au feu, prendre la première à droite jusqu’au feu, là, prendre à droite, jusqu’au feu, aller, au bout, au bout à droite, tout à droite, à fond sur la droite, au feu.
    Laisser la voiture.
    Prendre feu, avec la droite, prendre feu, à droite, au feu.
    ça clignote. Orange. ça clignote orange, puis bleu, ça clignote bleu et orange clignotant. au feu.

  6. GZLaowai :

    « Quand on n’a rien à se reprocher non plus, on n’a pas à être inquiété. »

    Ca, c’est ce qu’il y a de pire comme attitude.
    Parce qu’on a rien à se reprocher, on peut donc se laisser espionner, il est acceptable de ne plus avoir de vie privée ?
    Désolé, je ne marche pas.

    Deux citations (approximatives, désolé je n’ai pas pris le temps de rechercher la formulation exacte) :

    [i]Le bruit des bottes a toujours été précédé du silence assourdissant des pantoufles.[/i]

    [i]Si le droit à la vie privée devient un jour illégal, alors seuls les hors-la-loi auront une vie privée. (Philip Zimmerman, le créateur de PGP)[/i]

  7. ALBAN :

    APPEL A EMEUTES EN CHINE SUR INTERNET

  8. Pôles de compétitivités: souriez, vous êtes fliqués (par la DCRI, et la DPSD) » Article » OWNI, Digital Journalism :

    […] 2005, la DST et les RG avaient ainsi été invités à le faire au moment des “émeutes de banlieue”, en surveillant les échanges téléphoniques, les SMS, blogs et sites internet au motif que les […]

  9. Ma décennie Sarkozy – le premier quinquennat | BUG BROTHER :

    […] décrété, et les moyens informatiques de la Direction de la surveillance du territoire (DST) utilisés pour espionner e-mails et SMS échangés dans les […]

  10. Jenny :

    « Quand on n’a rien à se reprocher non plus, on n’a pas à être inquiété. »

    Ce principe est bien naïf et dénote une parfaite méconnaissance de la réalité. Bien souvent les individus qui le suivent font preuve d’une grande indifférence face aux problèmes relatifs à la vie privée et n’ont jamais été inquiétés même sans avoir eu quoi que ce soit à se reprocher. C’est là l’expression de la complicité tacite des individus avec le pouvoir qui les flique et les domine, l’expression de la paresse et de la servitude volontaire.

  11. Tout le monde a droit à son 1/4h d’anonymat | BUG BROTHER :

    […] de renseignement français d'espionner leurs concitoyens. Mais dans les faits, ils le font (cf mon Racaillotrou, générateur automatique de non-appels à l’émeute). – Y a-t-il un moyen, des indices, qui permettent de se rendre compte qu'un appareil a été […]

Répondre